Les oliviers et les femmes

Après ces incendies, cette sécheresse et ces pandémies, mon esprit est allé vers les femmes qui vivent de la cueillette des olives : une tradition ancestrale et un dur labeur.

 Quelles sont donc les difficultés que rencontrent les femmes cette année pour la récolte des olives ? Quelles sont leurs conditions de travail et leur vie ? L’association des femmes rurales de la wilaya de Béjaïa AFUD m’a aidé à rencontrer des femmes rurales ainsi que leur mari, elles nous disent de prime abord :  « cette année la récolte des olives a été menacée non seulement par la sécheresse mais par les incendies aussi. »

Cet échange avec elles en Kabylie dans les oliveraies pendant la récolte me paraissait des plus intéressants, en effet en les regardant travailler, je pense qu’elles méritent qu’on les qualifie de fourmis et abeilles des zones rurales ! Les femmes d’Akbou travaillent en groupes patiemment, sans relâche et s’organisent de deux manières selon qu’elles soient propriétaires ou pas et leurs situations financières.

Si les familles ne sont pas dans le besoin, elles font la cueillette des olives ensembles, l’huile obtenue est partagée entre elles. Par contre, si elles le sont, elles vendront l’huile d’olive.

Pour les femmes rurales, les oliviers sont non seulement un apport économique considérable mais aussi un important lien social.

Noria est veuve et maman de deux filles en bas âge et malades, l’une est épileptique et l’autre a une maladie auto-immune. Noria n’a pas encore droit à la pension de réversion qui est jusqu’à ses 55 ans et ses filles nécessitent des soins particuliers et onéreux d’où ce travail saisonnier qui lui permet de subvenir aux besoins de ses petites.

Nassima et Chikh Omar, quant à eux, sont très contents de recevoir famille et amis pour faire la Twiza qui est un travail de groupe et de solidarité.

La cueillette se fait comme dans le passé, à la main, sans machine, ni aucun équipement. Les maris donnent des coups de bâtons dans les branches et les femmes récoltent les olives.

Elles avancent solidairement sur le terrain en pente difficile d’accès, elles travaillent en rang, de façon à ratisser large car aucune olive ne reste par terre ou sur l’arbre pour avoir un maximum d’huile, en effet cinq kilos d’olives donnent un litre d’huile.

Les grands producteurs d’huile, à la saison, proposent une rémunération entre 1000 et 1500 dinars par jour selon le nombre de kilos d’olives récoltées.

Les femmes s’organisent pour cette saison de cueillette : Le levé est entre 4h et 5h du matin pour préparer le petit déjeuner, déjeuner et le goûter qu’elles partageront dans les champs.

 Elles commencent la cueillette à 9h du matin font une petite pause d’une demie heure et terminent leur journée au coucher du soleil. Des chants suivent ce rituel sauf décès. Depuis cette pandémie, le travail est encore plus dur parce qu’il faut mettre la bavette et garder les distances mais les femmes rurales, d’après leurs dires, n’ont pas été touchées par le confinement car elles ont continué à travailler dans les champs, ce qui n’est pas le cas pour certains membres de leur famille qui habitent la ville, en effet certaines femmes ont souffert de violences conjugales.

Les femmes rurales se sentent libérées des tensions de la maison et trouvent une certaine tranquillité quand elles peuvent aller travailler dans les champs, bien que ce travail soit pénible pour elles.

 Elles sont motivées par la vente de l’huile qui leur permet de boucler les fins de mois et de la partager aussi avec les proches et les amis

Elles chérissent ce rituel et le font dans n’importe quelle condition. Il est important à leurs yeux pour perpétuer l’éducation de l’entraide, le travail en groupe et la préservation de certains gestes salutaires pour la sauvegarde du patrimoine et la préservation des ressources alimentaires locales, la terre, la santé, le lien familial et le voisinage.

L’année a été très éprouvante et malgré toutes ces difficultés, elles se sont réunies et récoltées les olives en prenant les mesures nécessaires de prévention. Elles jouent un grand rôle dans la préservation de l’environnement, du patrimoine et des actions solidaires. Elles ont beaucoup de courage et de mérite.

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